Instinct maternel ?
Ce sera ma contribution au 2d volet des vendredis intellos de Mme Déjantée.
Je suis plutôt convaincue par le livre d’Elisabeth Badinter « L’Amour en plus » sorti en 1980, et qui déjà à l’époque a fait grand débat : voir l’extrait de l’émission de Bernard Pivot ici.
Il est couramment admis qu’aimer son enfant est naturel, instinctif.
Et surtout, l’opinion générale est incapable d’admettre qu’une mère puisse ne pas aimer son enfant.
Le livre d’Elisabeth Badinter démontre pourtant qu’au XVIIe siècle beaucoup de mères, surtout en milieu urbain, s’occupaient très peu de leurs enfants.
Dès la naissance, ils étaient mis en nourrice, ce qui contribuait à la forte mortalité infantile de l’époque, et ensuite confiés à un précepteur, on un internat ou le couvent.
Une des hypothèses avancée est qu’on avait beaucoup d’enfants, que beaucoup mourraient bébés, et qu’il ne fallait donc pas trop s’y attacher.
Les femmes pauvres n’avaient pas non plus beaucoup de choix, car elles devaient travailler, et l’enfant n’était qu’une charge, une bouche de plus à nourrir alors qu’elles mêmes n’avaient rien.
Et pour les femmes qui en auraient eu les moyens, s’occuper des ses enfants était inconvenant. Il fallait rester à la disposition de son mari.
C’est au XVIIIe siècle, qu’avec Les Lumières, et le mythe de la « Bonne Nature », que les femmes ont été enjointes à s’occuper de leurs bébés, et notamment à les allaiter, pour faire baisser la mortalité infantile. Les nourrices, même si leur nombre a diminué, ont perduré jusqu’à l’invention de la pasteurisation à la fin du XIXe siècle, qui a permis de leur donner des biberons de lait de vache.
Et c’est au XIXe siècle que le rôle maternel de supervision de la maison et des enfants s’est développé. C’était le programme décidé par Napoléon des les maisons d’éducation de la Légion d’Honneur, réservées aux filles souvent orphelines de ses soldats méritants.
D’après l’article de wikipedia intitulé « amour maternel », Elisabeth Badinter n’est pas seule à défendre la thèse que l’attention portée aux enfants a varié selon les modes et les époques.
Aujourd’hui la pression sur les femmes reste forte, c’est un (encore !) l’objet d’un livre d’Elisabeth Badinter : Le conflit. déjà présenté ici (oui je suis une fan :-))
Entre les histoires de déni de grossesse très médiatisées avec l'affaire Véronique Courjault, et les diverses publications psy, on perçoit bien que l’amour n’est pas automatique, que la préparation hormonale biologique certes prévue par la nature pour la survie de l’espèce, ne suffit pas, tant nous sommes des animaux sociaux.
Mais finalement, l’amour, le lien, qui nourrit nos enfants et dont nous avons tous besoin, qu’est-ce que c’est ?
On pourrait parler de « Sous le signe du lien » de Boris Cyrulnik, puis les phénomènes de résilience, de la théorie de l’attachement, et de bien d’autres choses, mais ce sera pour une autre fois !