Hypersexualisation des enfants
C'était le dossier du jour sur France Infos aujourd'hui.
Un peu évoqué à travers un artcile des Vendredis Intellos "le rose ça pue".
On trouvera ici les actes d'un colloque du Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF) dont voici un extrait :
"Que regardent les jeunes à la télé et dans les médias en général? Des images qui parlent d’elles-mêmes et véhiculent à chaque instant des idéaux restreints de beauté et des rapports hommes/femmes stéréotypés: homme dominateur, femme sexy mais soumise. C’est ce modèle relationnel que relaient lesmédias. Ces derniers constituent de véritables reflets de la société de consommation. L’industrie de la musique et celle de la publicité diffusent abondamment des images de femmes-objets adultes, dénudées et sensuelles, ainsi que de jeunes femmes sous les traits de petites filles aguichantes. Le message ici est sans équivoque : « Viens me chercher ». On n’a qu’à penser aux clips de chanteuses pop comme Christina Aguilera ou Chakira : quelle image d’empowerment offrent-ils aux jeunes filles qui s’identifient à ces vedettes du girl power? Et les vidéos des rappeurs : quel rôle y trouve-t-on pour les femmes? Certaines publicités vont plus loin encore et utilisent l’image de corps de jeunes filles sans montrer leur tête, évoquant ainsi la Méduse décapitée.
Cet endoctrinement des préados par des messages sexualisés constamment répétés soulève des enjeux identitaires. Séduites par ces artifices omniprésents de la commercialisation, nos fillettes peuvent manquer de sens critique et d’emprise sur la situation. Leur formation identitaire se fonde ainsi sur l’apparence : ce que l’on a l’air importe beaucoup plus que ce que l’on est ou ce que l’on fait. Avec le retour aux vieux stéréotypes masculin et féminin, on assiste à un déplacement des intérêts intellectuels vers les projets reliés au corps. Le souci de l’image corporelle, la tenue vestimentaire et la volonté d’imiter le monde de la femme-objet adulte vendu par les médias, déclassent en importance, par exemple, la préoccupation pour les résultats scolaires. “
Ce qui est en cause c'est certainement l'utilisation du sexe , souvent des codes du porno pour vendre tout et n'importe quoi qui conduit à la banalisation de modèles simplistes et stéréotypés, où la femme est la plupart du temps réduite à l'état d'objet.
Michel Fize, sociologue au CNRS, spécialisé dans les questions de l'adolescence :
"En parlant d''hypersexualisation', on diabolise des comportements de jeunes filles, qui n'ont pas du tout la dimension torride que laisse penser le terme"
"Il lui oppose celui d''hyperféminisation', qui correspond à une revendication des filles de leur identité sexuée".
Il admet en revanche une tentative mercantile, de la société, de "tout sexualiser pour vendre plus". "On a raison d'essayer d'y répondre mais il ne faut pas tout mélanger", juge-t-il." ( le nouvel observateur)
Selon Claude Halmos (citée aussi dans le nouvel observateur ):
"L'hypersexualisation des petites filles, c'est-à-dire le fait de les laisser se déguiser en femmes adultes, est très préjudiciable pour leur construction. Si elles sont déjà grandes, quels besoins ont-elles de grandir ?"
"Ce qui est complètement paradoxal, c'est que le gouvernement veut faire des préconisations pour que les petites filles ne s'habillent plus comme des grandes, mais en même temps, il supprime le défenseur des enfants et veut rapprocher la justice des mineurs et celle des majeurs".
Cela rejoint en effet une tendance lourde éducative à ne plus traiter les enfants en "être en développement", mais en "adulte en miniature"
Voici ce qu'elle en dit dans un récent article de psychologies magazine :
"L’enfance n’a jamais été autant en danger. Bien sûr, on a fait beaucoup de progrès si l’on regarde ne serait-ce que cinquante ans en arrière. Mais depuis peu, c’est la régression. La singularité de l’enfant est progressivement niée. "
"La psychiatrie traite ses maux comme ceux des adultes, à coups de psychotropes, en occultant qu’il est un être en construction dont les difficultés peuvent être accompagnées. La justice des mineurs est menacée de disparition, les sanctions sont alignées sur celles des majeurs. En matière d’éducation, les pères Fouettard sont remis au goût du jour. L’enfant doit obéir et se taire. « Après tout ce que Françoise Dolto a accompli pour faire entendre le langage de l’enfant, la richesse de la “culture du peuple enfant”, on prône le retour à une forme de dressage. Écouter l’enfant ? Trop dangereux. Il pourrait remettre l’autorité de l’adulte en question, dire des vérités qui dérangent. Mieux vaut lui imposer des discours. Ce sera sans moi."
Et que dire de la scolarité où en maternelle, on les prépare à l'apprentissage de la lecture, en cours moyen au collège, et ainsi de suite, sans jamais les laisser s'épanouir dans le présent?
Et si finalement cette sexualisation trop précoce des enfants, n'était pas aussi liée à une distorsion de notre rapport au temps, à une dictature de l'immédiateté pour tout ?
(évoqué dans l'article des vendredis intellos "Donner du temps au temps" )
(évoqué dans l'article des vendredis intellos "Donner du temps au temps" )
J'avoue qu'avant de relire cet extrait de Claude Halmos, je n'avais pas fait le lien.
Il y a là un avatar de notre société d'hyperconsommation, où l'on veut tout tout de suite, et où l'on se définit plus par "l'avoir" que par "l'être." On veut que les enfants deviennent tout de suite l'adulte idéalisé que nous croyons vouloir être à l'image des modèles que les médias nous ont fait intérioriser.
Il est tout de même urgent de sortir de cette espèce d'hypnose collective destructrice et de retrouver notre liberté de penser et d'être, pour pouvoir la transmettre à nos enfants.
Les stéréotypes homme / femme sont une facette de ce conditionnement à des fins la plupart du temps mercantiles court-termistes
Bon allez les filles, y a du boulot !